
"Qu'est-il de plus fugace, de plus incertain qu'un épouvantail ? Ce silencieux, cet immobile voyage beaucoup. On le construit dans une grange avec de la paille, des haillons, de menus objets sans valeur (couvercles de boîtes de conserve, objets de récupération...) pour le sortir au moment des semailles. Là, il se déplacera d'un champ à l'autre au fur et à mesure que le grain lève. L'été, il se replie au jardin ou dans une remise pour se retrouver plein champ peu avant les récoltes afin de protéger le blé ou le maïs presque mûr. Il retrouvera la grange natale au début de l'hiver.
Personne ne fait attention à lui, ce pouilleux, ce miséreux. Les enfants le choisissent comme cible pour leur lance-pierre. Il n'inspire pas à proprement dit de terreur, mais on ne l'aime guère. Il surprend plus d'un au détour d'un chemin par sa présence inquiétante, presque menaçante. Image de la détresse, du dépouillement, croquemitaine. Mais c'est qu'il est menteur, notre petit homme de paille, il se déguise, sous son apparente nudité, il cache une infinité de richesses. Cacher, déguiser, mentir, c'est sa fonction d'ailleurs. Nul ne doit voir le grain en terre, le germe fragile a besoin de silence, de tranquillité. Alors notre mannequin concentre toute l'attention sur lui. Il y met tout ce qu'il faut de clinquant, d'éclat, de lumière pour se faire remarquer ; il fait même parfois du bruit, si le vent l'y pousse, il se gonfle, il bat du frac. (...)"
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